Découvrir la vie… avec les animaux
Qu’est-ce que c’est le bonheur? Pour moi, il ressemble à ces moments magiques où je glisse avec la luge sur la neige, riant aux éclats, deux beaux chiens noirs courant à mes côtés, les chevaux me regardant d’un air mi-intrigué mi-amusé, les chats dormant au soleil, les canards se baignant dans les flaques d’eau. Nous sommes à la ferme où je monte à cheval. Ce lieu si beau à mes yeux, presque irréel tant je m’y sens bien. Il est là, mon petit coin de paradis, tout simple et pourtant si important dans ma vie. C’est ici que je me ressource, au contact des animaux, de la nature et de la simplicité. Je ne m’y sens pas jugée. Les artifices ne servent à rien, il ne reste plus que nous, tous nus, faces au monde tel qu’il est réellement à l’écart des villes.
Les animaux, je les ai toujours aimés. En fait, je les ai longtemps préférés aux êtres humains. J’étais aux anges lorsque, haute comme trois pommes, je pouvais caresser un animal, le plus souvent un chien ou un chat. L’affection que j’attendais à perte de mes parents, c’était ces petites et grandes boules de poils qui me l’apportaient au détour d’une rue ou d’un sentier. C’était ainsi, sans explication particulière, je me sentais naturellement bien lorsque je trouvais un peu de répit vers mes amis à quatre pattes. J’existais à leurs yeux, j’aimais leurs coups de langue, leurs ronronnements, leurs beaux yeux me suppliant de leur accorder encore une caresse. Je laissais glisser mes doigts dans leur pelage, découvrant le contact physique quasi absent jusque là dans ma vie, du moins d’un point de vue amical, découvrant par la même occasion les principes de base de la relation. Tu en as marre que je te caresse? Alors je te laisse tranquille, même si j’aurais aimé continuer à trouver du réconfort dans cette bulle hors du temps. Lorsque mes doigts découvraient les contours de l’animal, je fermais les yeux, et je souhaitais de toutes mes forces que le temps s’arrête là, sur cette sensation d’apaisement, et que je ne souffre plus jamais. Pourtant je finissais toujours par revenir les pieds sur terre. Je remerciais alors mon ami d’un instant, et continuais mon chemin, douloureusement seule, mais un peu plus heureuse qu’avant cette rencontre.
J’ai toujours aimé les arbres également. Mes parents ont un sequoia dans leur jardin, un immense arbre imposant. Lorsque j’avais besoin de trouver un peu de calme et de paix ou de fuir un instant la douleur, je me cachais derrière, dans un coin de son tronc, et je lui faisais un câlin. Sans que je puisse l’expliquer clairement avec des mots, je sentais l’arbre, je sentais qu’il me calmait, qu’il me berçait presque. Je respirais ses odeurs, ça sentait bon la forêt, la nature, la liberté. Je me mettais à rêver d’escapades avec les loups, je pensais m’enfuir dans les forêts et y rester jusqu’à ma mort. Je pouvais rester longtemps ainsi, loin de la violence, en sécurité, protégée par cet immense être, mon havre de paix. Il fut mon meilleur ami d’enfance. Cela peut paraître idiot, mais serrez une fois un arbre dans vos bras et essayez de ressentir les sensations que cela vous procure…
Parmi les animaux, les chevaux m’ont toujours attirée plus particulièrement. Vers mes seize ans, j’ai commencé à travailler au marché et je payais mes cours d’équitation ainsi. Je retrouvais régulièrement un milieu extérieur à la violence que je connaissais jusqu’alors. J’étais comblée par ces magnifiques animaux, je n’attendais plus rien de l’être humain. C’est ainsi que je me fis mes premiers amis bipèdes. Probablement parce que je n’espérais plus rien d’eux, j’étais enfin moi-même. Pour la première fois de ma vie, je ne rêvais plus de recevoir telle ou telle chose de leur part, je recevais déjà suffisamment des chevaux. Je pouvais ainsi avoir une relation libre, et saine. Les gens sont naturellement venus vers moi, gentiment. Je pouvais donc être aimée, toutes mes certitudes tombaient! Peut-être que je n’étais pas aussi mauvaise que ce que mes parents m’avaient fait croire, peut-être que je n’étais pas possédée par un démon, peut-être qu’il ne fallait pas m’exorciser, peut-être tout n’était pas de ma faute, peut-être je n’avais pas de maladie psychiatrique!
J’y vécus des moments magiques, des amitiés profondes, je découvrais le monde tel qu’il pouvait réellement être! On me confiait petit-à-petit des responsabilités, j’étais appréciée, et c’est ainsi que, peu à peu, je pris confiance en moi et que je remis en question ce que je vivais à la maison. Je trouvais des oreilles attentives auxquelles me confier, exprimer mes doutes et demander des conseils. Sans ces personnes, je serais probablement encore en train de vivre l’enfer.
Le manège devint rapidement un lieu où je me réfugiais lorsque je ne supportais plus d’être à la maison. Je m’éclipsais alors par la fenêtre de ma chambre et j’allais chercher un peu de réconfort dans ce lieu tranquille. J’y appris aussi à me relever après une chute et à avoir confiance en moi. Par la suite, j’étais dans des familles d’accueil trop loin de ce lieu et je n’avais pas d’argent pour m’y rendre. J’ai alors découvert cette ferme, qui devint mon paradis sur Terre. C’était un lieu différent, petit, familial, chaleureux. J’y appris la maîtrise émotionnelle et j’y retrouvais un mode de vie simple, j’y vivais une sorte de retour aux sources. Je pouvais me reconnecter avec moi-même, avoir un espace pour me découvrir sans avoir peur d’être jugée, de n’être pas assez bonne. J’y retrouvais le contact animal, encore plus proche, plus fort. Cela me permit de continuer à améliorer mes relations et ma confiance avec les humains également. La gentillesse de cette famille et des animaux de la ferme me réchauffait le coeur et encore aujourd’hui, je suis tellement heureuse d’avoir la chance de pouvoir régulièrement aller dans un endroit aussi beau!
« C’est une folie de haïr toutes les roses parce que une épine vous a piqué, d’abandonner tous les rêves parce que l’un d’entre eux ne s’est pas réalisé, de renoncer à toutes les tentatives parce qu’une a échoué… C’est une folie de condamner toutes les amitiés parce qu’une vous a trahi, de ne plus croire en l’amour juste parce que l’un d’entre eux a été infidèle, de jeter toutes les chances d’être heureux juste parce que quelque chose n’est pas allé dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ. » Antoine de Saint-Exupéry