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Une journée… avec le SED

Aujourd’hui, le temps d’un jour, je t’invite à partager un moment de ma vie, en te permettant de te glisser dans ma peau… ou plutôt dans mes mots! Je te propose de découvrir à travers mon quotidien le SED, le syndrome d’Ehlers-Danlos, la maladie qui me touche. Peu d’entre vous savent en quoi consiste ma maladie, alors je t’emmène dans mon corps pour venir découvrir des sensations nouvelles, étranges, et qui me sont pourtant si familières.

Une partie des informations concernant mon quotidien avec le SED sera volontairement non écrite ici, étant donnée qu’elle touche de manière trop importante à ma vie privée.

Le réveil est sonore

Le réveil, en général, est toujours sonore. Mes premiers pas sur le sol sont quelques « crac crac », mes articulations qui se remettent en place pour que je puisse retrouver la force dans mes jambes. La nuit, mes muscles ne sont pas actifs pour contrôler que mon corps reste dans un certain alignement. ça fait que je dors souvent dans des positions bizarres, et que le matin il me faut remettre tout ça en place. Il m’arrive par exemple de me réveiller à l’envers sur mon lit ou dans des positions vraiment incongrues, nécessitant parfois un peu d’aide pour m’en sortir ou pour remettre une articulation en place si elle est sortie! Heureusement, la plupart du temps mon corps est simplement un peu rouillé ou alors j’arrive à remettre mes articulations dans leur axe toute seule, c’est un avantage à être très souple. On se déboîte facilement, mais on se reboîte facilement aussi, un peu comme un lego!

Démarrer la journée

Le petit déjeûner qui suit est souvent une lutte acharnée pour me couper une tranche de pain ou ouvrir le pot de confiture. Je n’ai pas beaucoup de force dans la main droite à cause d’un nerf endommagé, je m’entête donc pour arriver à couper des bouts de pain bizarroïdes, rarement droits, et je connais plein d’astuces pour ouvrir les pots de confiture, le bouchon du jus d’orange… Surmonter ces défis du matin, ça me permet d’être ensuite bien réveillée et de profiter encore plus du petit déj!

Après les repas, j’ai souvent une grande fatigue qui me prend et je somnole malgré moi, mon appareil digestif est délicat et me prend beaucoup d’énergie. Il est « paresseux » comme dit mon gastro-entérologue. Il est tellement souple (comme tout mon corps) qu’il ne remarque pas tout de suite qu’il y a de la nourriture, et lorsqu’il s’en rend compte, c’est souvent qu’il y a déjà des « bouchons » et il se contracte alors très fort pour débloquer le chemin. J’ai donc souvent mal au ventre avec des spasmes très douloureux (ils m’obligent en général à me coucher), heureusement de moins en moins fréquents, grâce au sport!

Une catastrophe ambulante

Ensuite, quand je commence le travail, je fais honneur à ma réputation de « catastrophe ambulante ». Disons que je ne suis pas très adroite, et ma marche arrière n’est pas au point! En terme médical on appelle ça les troubles de la proprioception, cela signifie que j’ai de la peine à savoir où est mon corps dans l’espace. Par exemple je peux vouloir passer à gauche d’un poteau, être persuadée que je suis suffisamment loin de lui et quand même me le prendre dans l’épaule. Bizarre, non? Du coup, au magasin où je travaille, parfois je fais un peu tout tomber, je recule de deux pas et je heurte la pile de cartons de chaussures… mais ce n’est pas trop grave, et en général ça fait plutôt rire les clients et ça me fait rire moi-même (un peu moins quand je me tape le petit orteil contre un meuble ou que je me prends la porte en pleine tête) !

Des choses bizarres

Dans la série des choses bizarres de ma vie avec le SED, il y a mon genou gauche. Il est éternellement bleu, il a subi très souvent des points de suture et une opération. Il me fait un peu mal, mais c’est tellement habituel que je n’y prête presque plus attention. Il est devenu d’une fragilité tellement extrême que je sais que pour aller marcher je ne dois pas mettre un pantalon qui va frotter sur mon genou, sinon il devient noir (enfin bleu très foncé). Ou il suffit que je le pose par terre pour qu’une vive douleur me remonte dans la jambe et que je sente le sang couler sous la peau… J’ai tellement l’habitude de cela que je serre les dents un moment et je sais exactement comment la douleur va évoluer, que son intensité maximale est maintenant, qu’elle va rapidement s’atténuer. Cela m’arrive presque chaque jour donc je n’y prête que peu d’attention, mais quand même, ça fait un mal de **** (un peu comme quand on se cogne le tibias, on sait que c’est anodin, mais ça fait bien mal).

Quelque chose d’étonnant également, c’est que je suis « toute molle ». Les gens, quand ils me serrent la main, sont donc souvent surpris par ce contact tout mou (ils ont tendance à me broyer la main d’ailleurs), et on m’a demandé plus d’une fois si j’avais des os. Eh oui, j’en ai, et heureusement!

Mon corps est aussi une véritable centrale électrique. Les « faux mouvements » m’envoient des décharges électriques régulièrement, et ça par contre, ça me surprend à chaque fois. Je sais que ce n’est pas grave, parfois ce n’est même pas vraiment douloureux, mais très particulier comme sensation.

Le sport

Dans ma vie de tous les jours, il y a aussi le sport! Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie! Entre mes articulations qui ne veulent pas toujours rester en place et mon ventre qui rouspète, c’est parfois un peu compliqué, mais en général ça me fait vraiment du bien et ça me permet d’être pleinement consciente de l’état du jour de mon corps. Je ferme tellement mon esprit à la douleur, je m’écoute tellement peu, que parfois c’est le sport qui vient mettre le doigt sur ma condition du jour. Et je me rend compte que mon physique fait vraiment des montagnes russes! Certains jours je suis toute flagada, chaque pas (même en marchant) me coûte, et d’autres jours j’ai de l’énergie à ne plus savoir qu’en faire. En vrai, j’ai quand même beaucoup de jours où je suis fatiguée, même si je n’aime pas l’admettre et m’évertue à donner mon maximum.

La fatigue

La fatigue est très présente dans mon quotidien, bien cachée. J’essaie de toujours donner tout ce que je peux donc elle ne se remarque pas trop. Je n’aime pas m’en plaindre, j’ai l’impression que c’est lui donner de l’importance et donc la laisser m’envahir. Elle prend souvent des dimensions assez importantes, par exemple je n’arrive plus à voir net, à « mettre au point » avec mes yeux. Comme un appareil photo qui photographierait un visage flou sans le mettre au net. Par moment je vois comme en « négatif » ou en noir et blanc, ou alors je n’arrive plus à écouter quelqu’un qui me parle, sa voix se mélangeant aux bruits environnants, je n’arrive pas à la séparer du reste des bruits. Il y a aussi ces jours où le moindre bruit me fait mal aux oreilles et me semble être un vacarme. Parfois aussi toute l’énergie semble se vider d’un coup de mon corps et je n’arrive plus à contracter mes muscles fermement, mais ce n’est pas douloureux. C’est un peu la même impression que j’ai après un massage qui me décontracte totalement, sauf que ça m’arrive même parfois en courant et du coup, ce n’est pas très pratique! Il fut un temps où le contact d’un t-shirt dans mon dos me faisait mal, la peau étant devenue d’une réactivité impressionnante à la douleur.

Il y a quelque chose de vraiment étrange quand je cours, c’est que parfois mon épaule droite semble se tendre de la clavicule jusqu’au cou et me brûler la peau à vif, alors qu’on ne voit rien de particulier! Ou parfois ma nuque fait un léger craquement à chaque foulée. Mon coeur fait également des histoires si je ne l’écoute pas…

Courir

Courir, même quand je suis fatiguée, me fait vraiment du bien, car je retrouve toujours un peu de dynamisme. Il m’est arrivé parfois de faire des petits malaises, voire même de me demander si j’allais m’évanouir tellement la fatigue et/ou la douleur devenait importante, mais la majeure partie du temps je prends un plaisir fou à ressentir (enfin!) que mes jambes sont devenues solides, ne plus avoir peur que mon genou ou ma cheville me lâchent au pas suivant, mes muscles me  permettant de contrôler tout ceci. Il m’arrive même d’avoir moins mal en courant que au repos, les hormones m’aidant à inhiber la douleur. Chaque fois que je cours je ressens la victoire du chemin parcouru, la fierté de me sentir enfin mieux dans mon corps auquel je ne pouvais pas me fier. Ce que j’aime le plus, c’est dévaler la pente devant l’hôpital où je suis soignée, remémorer le chemin parcouru et sentir des ailes me pousser dans le dos.

Je peux parfois courir des grandes distances et ne pas ressentir de courbatures le lendemain, par contre, certains jours j’ai de grosses douleurs musculaires, même au repos, alors que je n’ai rien fait de particulier! Tous les muscles me brûlent, c’est un peu différent des courbatures, et je ne sais pas trop expliquer cela. Les montées des escaliers me semblent êtres des montées de tour Eiffel, et je sais que ces jours là, il ne me sert à rien de faire du sport, au risque de provoquer des crampes nocturnes douloureuses.

L’équitation

L’équitation me fait aussi un bien incroyable! Je déconnecte complètement, je suis liée à Hamila (la jument que je monte) et j’en oublie complètement ma maladie, d’ailleurs c’est probablement à cheval que j’y pense le moins souvent!

Quand il fait froid, ma peau devient multicolore! J’ai souvent des taches bleues, jaunes, rouges, vertes! Comme un caméléon!

La nuit, il m’arrive régulièrement quelque chose qui me fait souvent peur malgré le fait que cela advienne souvent. Je suis au lit, dans le noir, et je perds toute sensation de mon corps. Je suis incapable de dire dans quelle position je suis (assise, couchée, debout?) et je suis incapable de ressentir les différentes parties de mon corps! Je ne sens pas le contact du matelas, ni du duvet, ni l’oreiller, rien! C’est en essayant de bouger dans ces moments là qu’il m’arrive de me taper fortement contre le mur ou de chuter du lit, étant donné que je ne ressens plus rien.

Voilà un petit aperçu de mon quotidien dans mon corps, mais si ici je le regroupe tout sous le nom de ma maladie (car ce sont effectivement une partie des symptômes qui me touchent), il faut savoir que je vis avec cela depuis ma naissance et la plupart du temps je le prends comme ça vient, sans penser chaque jour qu’ils sont causés par ma maladie. C’est « normal » pour moi, et je ne pense pas au SED à chaque douleur, ça fait simplement partie de mon quotidien.

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